Il était là.
Sur la pierre, allongé dans un linge.
Il a donné sa vie pour ses amis, accepté de subir, pour leur bonheur, d'indicibles violences.
Il avait prévenu que ça finirait par arriver. Qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Inéluctable et nécessaire, un passage obligé.
C'était pourtant un innocent, un être extraordinaire, une vie droite, une parole de vérité, un érudit faisant le bien autour de lui, convaincant les foules, capable même de prodiges.
Il y a quelques jours il avait réuni ses plus fidèles amis autour d'un repas et leur avait montré, en s'abaissant pour leur laver les pieds, l'importance de prendre soin les uns des autres et de cultiver l'humilité, où que l'on soit, que l'on soit roi ou esclave. Que cette charité, loin de nous rabaisser, nous grandit.
Puis il a été arrêté, supplicié, son corps a été déposé là.
Il était là.
Il n'est plus là.
Il nous reste l'exemple de sa vie et ses paroles.
Cet exemple et ces paroles qui, au fil des siècles, ont profondément pétri la civilisation européenne, la France et une grande partie du monde.
Dans quelques jours, on apprendra que certains de ses amis l'ont aperçu, qu'Il leur a parlé, que l'un d'eux a même pu toucher ses plaies. Il leur annoncera qu'Il est avec eux pour toujours.
Soyons attentifs.
Il pourrait être ce clochard que vous apercevrez demain matin, dont la vie changerait si vous lui offriez un sourire, un café, un toit, un emploi,
Il pourrait être ce petit, en votre sein, que tout le monde vous pousse à liquider ; vous hésitez,
Il pourrait être ce professeur quotidiennement maltraité par ses élèves, qui ne reçoit pas de soutien de leurs parents, qui est désespéré et qui a besoin que vous l'écoutiez, le souteniez,
Il pourrait être cet enfant que vous voulez concevoir par PMA/GPA, alors que cela l'empêchera toute sa vie de connaître son père/sa mère et que vous lui imposerez cette souffrance, cette absence créée de toute pièce,
Il pourrait être ce couple d'agriculteurs qui ne peut plus subvenir aux besoins de ses enfants, qui se suicidera dans quelques jours alors que vous pourriez l'aider en lui achetant quelques produits à la ferme au lieu d'aller engraisser chaque dimanche des multinationales de l’agroalimentaire,
Il pourrait être cet employé dévoué auquel vous n'avez jamais montré de reconnaissance ni exprimé de mot aimable,
Ou cette vieille dame qui ne reçoit jamais de visite dans son EPHAD ; son médecin lui a parlé d'euthanasie, elle y songe, alors que son cœur se gonflerait de joie de vivre si vous passiez la voir,
Ou cette mère de famille exemplaire qui élèvera seule ses enfants avec labeur si vous décidez de les quitter au lieu d'assumer dignement votre rôle de père et d'époux,
Ou cet enfant handicapé qui rêve d'aller à l'école mais que tous les établissements refusent, pour lequel vous pourriez vous mobiliser,
Il pourrait être cet otage téméraire que vous égorgez en croyant avoir droit de vie et de mort sur lui. Vous ignorez que les héros ont pour eux l'éternité.
Un héros ne prend pas, il se donne.
Il n’est jamais trop tard, devenons un héros du quotidien.
Le corps du Christ était là. Sa chair déchirée nous a réconcilié avec le Ciel.
Il était là.
Il n'est plus là.
Il est partout.
Soyez prêt.
Quand vous le rencontrerez, prenez soin de lui.
Joyeuse fête de Pâques !