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dimanche, 15 juillet 2012 01:21

De l'accessoire à l'essentiel : bilan de deux scrutins

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SIEL voteTout ou presque a été dit et écrit sur cette folle saga en quatre épisodes des dernières élections, présidentielles et législatives. Cependant, nous ne pouvons nous empêcher d'apporter notre contribution au débat, tant, nous semble-t-il, quelques éléments ont été minorés ou, tout simplement, passés sous silence. Bien que l'Action française se défende de toute attache partisane, elle ne peut valablement se désintéresser de la vie politique, fût-elle républicaine, sauf à adopter une ligne impolitique qui la condamnerait à disparaître.

Victoires du centre et de l'abstention

Tout d'abord, un mot sur l'abstention. Celle-ci fut de l'ordre de 20% aux présidentielles, quand elle atteignit des sommets inédits aux législatives (47,6% au soir du second tour). Elle est, d'abord, moins le signe d'une désaffection des citoyens à l'égard de la chose publique, que d'une exaspération à l'endroit d'un personnel politique interchangeable et bien peu porteur d'espoir. L'argument tiré du quinquennat et de l'effet induit de la trop grande proximité entre les élections présidentielles et législatives, ne tient pas. Que l'on se souvienne des élections de 1981 ou de 1988 qui ont conduit à une dissolution de la chambre en mai pour des élections en juin. Comme le rappelle, d'ailleurs, le constitutionnaliste, Frédéric Rouvillois, « il existe un lien très étroit entre le niveau de participation et l'importance que les électeurs prêtent à l'élection en question ». En l'occurrence, les Français ont sans doute senti que l'Assemblée nationale n'avait que peu de pouvoir, tant elle est devenue la chambre d'enregistrement de Bruxelles. Quant au centre, contrairement à ce qui a été di, ici et là, il a pleinement gagné puisque l'UMP et le PS ont parfaitement métabolisé son européisme et son libre-échangisme. Nous l'avions déjà écrit dans ces colonnes et il n'est donc pas utile de s'y étendre davantage.

Trompe-l'œil

Quant à la victoire de la gauche socialiste, elle ne fait évidemment pas de doute, le système majoritaire étant ce qu'il est. Au fond, rien, objectivement, ne distingue la gauche au pouvoir de l'ex-droite de gouvernement. En dépit de sa « normalité » de façade, François Hollande fait preuve d'un volontarisme analogue à celui de son prédécesseur, ainsi que les réformes sociétales promises, le démontreront. Reste un champ de ruine à droite. Si le Front national tient debout, on s'interroge sur la stratégie jusque-là préconisée par la fille Le Pen. Echec relatif ou succès en demi-teinte ? Avec seulement deux députés à l'Assemblée nationale, dont l'un, Gilbert Collard, laisse à désirer quant à sa loyauté (à l'heure où nous écrivons, il n'est toujours pas adhérent du FN et notre confrère Minute rappelle qu'il est passé par le PS, le RPR, le Parti radical et le Nouveau Centre), le FN ne peut espérer peser sur la politique gouvernementale. Mais quelle sera, demain, son influence ? Sauf à bénéficier d'un scrutin proportionnel, le FN ne peut obtenir une majorité absolue tout seul. Se pose, alors, la question des alliances. Comme le souligne très justement Jeanne Smits dans Présent, « la victoire de François Hollande elle-même doit beaucoup à la présence du Front national et à l'attitude de rejet de la droite parlementaire à son égard ». La gauche a gagné grâce à cette version « new-look » du « cordon sanitaire » qui est le « ni-ni » inventé par Jean-François Copé. Attitude suicidaire, certes pour l'UMP qui s'obstine à être mithridatisée ad aeternam par la gauche, mais aussi pour le FN, condamné à demeurer un parti contestataire ou, à tout le moins, marginalisé, ce, nonobstant l'énergie déployée par Marine Le Pen, pour le « dédiaboliser ». Hervé Gattegno, du Point, résumait le paradoxe d'un scrutin qui a toujours oscillé entre « normalisation » et diabolisation du FN : « c'est l'inconvénient de la ''marque Le Pen'' : elle est à la fois très attractive et très...dissuasive ». En outre, l'union des droites vantée, notamment par Polémia qui justifie ainsi les succès de Jacques Bompard et de Marion Maréchal-Le Pen, n'est qu'un trompe-l'œil. Ces deux exemples sont très isolés et ne s'expliquent que par des circonstances locales très particulières (une forte implantation locale pour le premier, le maintien du PS dans une triangulaire pour la seconde). Les velléités d'indépendance de la Droite populaire qui suggère de s'ériger en parti associé de l'UMP, visent clairement à concurrencer de façon plus présentable et plus hygiénique, le FN en vue de l'affaiblir. Tout dépendra de la « recomposition » de l'UMP, au lendemain de son congrès national. On le voit, la place est prise à droite par l'UMP, comme elle a été conquise à gauche par le PS. Aux satellites d'effectuer leur révolution autour des grands astres, pas l'inverse.

Crise de civilisation

En définitive, ces dernières élections ont révélé une accentuation de la bipolarisation de la vie politique française. Si l'on a ratiociné à l'infini sur un pays réel ancré à droite et un pays légal à gauche, force est d'admettre que notre pays est coupé en deux. D'un côté, les victimes et déçus de la mondialisation qui se réfugient dans le vote FN et partiellement UMP, de l'autre, ceux qui s'y résignent ou y adhèrent en votant à gauche, à l'extrême-gauche et partiellement pour l'UMP. Les premiers souffrent d'une désespérance à la fois identitaire et sociale, le chômage de masse venant accroître un net sentiment de déclassement par rapport à des populations fraîchement débarquées. Les seconds, acculturés par un système scolaire idéologiques qui les a endoctrinés sur les vertus du métissage diversitaire et de l'antiracisme, pour certains, tandis que d'autres profitent de tous les avantages de la vie « bourgeoise-bohème » (les fameux « bobos »). Les uns furent sensibles au néo-socialisme national de Marine Le Pen ainsi qu'au Buisson ardent (mais tardif) d'un Sarkozy sur l'identité de la France. Les autres ont cédé aux sirènes du multiculturalisme et du sans-frontiérisme. Bref, fondamentalement, nous sommes face à une crise de civilisation. Si les irrédentismes identitaires se réveillent, plusieurs générations seront nécessaires à leurs ré-enracinements.

Aristide Leucate - Action française, juillet 2012

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Souveraineté, Identité Et Libertés

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